Zawa-Pinim Guyane 2019


Les amérindiens appellent l'homme Jaguar ZAWA-PINIM lorsqu'il est sous sa forme de Jaguar et CHIMBE lorsqu'il est sous sa forme de Chauve-Souris Géante.

L'homme Jaguar est à la fois homme, femme, jaguar et chauve-souris géante.

Le mythe de l'homme Jaguar raconte que les peuples premiers d'Amazonie étaient mi-hommes, mi-femmes, mi-dieux.

Ils se regroupaient en tribu autour de leur forme animal : il y avait le clan des Anacondas, celui des Tapirs, des Singes Hurleurs, etc... les hommes Jaguars étaient une tribu très ancienne, très puissante et encore aujourd'hui très populaire dans la culture amérindienne.



à écouter J.A.G. ( Jeunesse Autochtone de Guyane )





Si je devais rajouter des paroles à cette photo et faire parler cette jeune fille, voilà ce qu’elle dirait.
« Vous me regardez et me trouvez jolie … C’est assez drôle comme l’attention est portée sur nous dès que nous sortons nos perles, nos plumes, nos chants et nos danses. Mais cette attention, c’est tout au long de l’année que nous aimerions l’avoir … Quand nous buvons et mangeons du mercure, loin des caméras mais en famille.
Quand nous accédons plus que difficilement aux bancs des écoles, et que nous devons quitter nos familles, nos traditions et nos repères pour espérer atteindre un niveau scolaire acceptable.
Quand nos jeunes se suicident, désespérés par cette vie qui n’a pas l’air de vouloir leur promettre grand-chose.
Quand nous ne pouvons pas nous soigner faute de médecin. Nous sommes pourtant prêts à patienter 3 heures dans une salle d’attente, juste parce que nous n’avons pas pris rendez-vous … Mais la salle d’attente, est trop loin, sur le littoral.
Nous devons encore nous battre et défendre nos terres sacrées des convoitises de l’Homme. Les richesses de la Nature n’ont-elles pas plus d’importance que quelques pépites d’or ? C’est un combat et un débat de plusieurs siècles, je sais. Mais nous apprenons tous de nos erreurs passées.
J’exagère et me trompe, nous faisons les gros titres de certains journaux avec cette phrase si éloquente « Les Oubliés de la République » … Moi j’aurai plutôt écrit « Les Ignorés de la République »
Elle est là, la réalité de nos vies, derrières nos perles, nos plumes, nos chants et nos danses. Nous ne sommes pas qu’un folklore Guyanais, nous sommes la Guyane »









Marcher à travers l'Amazonie et interroger les grands-mères et les grands-pères sur les femmes jaguar, ils m'ont souvent raconté des histoires de femmes anciennes, de femmes ayant le pouvoir de guérir, d'ordonner le monde, de se rapporter à la nature, de connaître les mystères de l'univers .
Il y a quelques histoires par Orellana (l'un des premiers Européens à traverser l'Amazone) sur certaines femmes guerrières que lui et son peuple appelaient les Amazones. Ces histoires ont été prises comme mythe, exagération ou fantaisie. Pour moi, ces femmes qu'Orellana a vues étaient des femmes de Yuruparí, des femmes avec une grande force et capacité, des femmes tigres.
De la vision du monde des peuples autochtones, le pouvoir est lié à certains cycles que nous traversons.

Ce cycle que nous vivons actuellement, pour de nombreux peuples, marque à nouveau le passage de cette énergie du pouvoir masculin au pouvoir féminin, qui permet à l'homme de refroidir la pensée, si chaude et corrompue par le pouvoir.

Cette image est encore un hommage aux femmes, amazoniennes, andines, des vallées, des draps, de l'univers. Un hommage à la force créatrice, à l'humilité, à la sagesse, à la tempérance.

Descendu des Pléiades et de la constellation du Jaguar (Orion)

Tableau de l'artiste colombien Jeisson Castillo





Zawa-Pinim
Création 2019
Cie Bardaf!

Lénaïc Eberlin - Conception et récit
Philippe Rieger (Gaston)  création sonore
Myriam Pellicane - Mise en scène
Léa Magnien et Quentin Chantrel (Collectif Lova Lova - Cayenne) - Costumes
Odile Kerckaert - Régie générale -Chargée de production
Marta Carrillo - Chargée de diffusion
Éric Navet - Consultant, Professeur émérite d’ethnologie à l’université de Strasbourg, chercheur auprès des amérindiens Teko, Guyane Française. 

Brésil-Guyane, la frontière la plus longue de France, à l’embouchure du fleuve Oyapock et de la rivière Camopi, Lénaïc Eberlin rencontre les Teko et les Wayãpi, peuples amérindiens et français. Accompagné par l’esprit des légendaires guerriers Makan, il plonge au coeur de la mystérieuse jungle amazonienne. Il explore ce monde inconnu, interdit mais bien réel qui lui révèle une mythologie vibratoire, redoutable. Fragments de rêves, visions fugitives, Lénaïc partage les rires et la détresse des jeunes amérindiens.
Son récit témoigne de la richesse d'une mythologie cachée.
Amazonie en chantier, terre pillée, orpaillée, décharge à ciel ouvert, pirogues courants sur le fleuve, Lénaïc voltige autour de sa platine à manioc et recueille, entre sacs poubelles et boîtes de conserves, la survivance d’une oralité saisissante.
Un voyage dont il ne revient pas indemne. 


 
un hommage à la résistance des peuples amérindiens.

Les mythes de tradition orale dans les sociétés tribales sont des repères lors des rites initiatiques, ils intègrent la réalité, ils sont vivants, ils débusquent les pièges, les peurs, interrogent la communauté.

Pour un conteur de Muttersholtz en immersion dans les villages du fleuve auprès des familles sous le carbet cuisine, c'est une prise de conscience hallucinante d'observer à quel point les aventures de l'homme Jaguar témoignent encore aujourd'hui d'une réalité et d'un art de vivre hors du commun.

A tous les niveaux, cette vie le met en apprentissage.  

Le mythe se révèle et lui transmet l'indépendance et la fraternité pour le destin de tous les peuples.

Un regard attentif sur ces "oubliés de la république". 

 
Cette grande saga de l'homme Jaguar nous invite à nous connecter à tout ce que nous avons mis de côté.

Emerge alors le rêve d'un changement de cap, d'une écologie subtile, joyeuse et sacrée à réinventer.

Animaux, végétaux, minéraux, humains, entretiennent avec leur environnement naturel et surnaturel des relations extravagantes. Ils provoquent des tremblements, nous plonge dans le noir, aiguisent nos sens, nous font découvrir un ailleurs où il faut aller, nus et authentiques.




Depuis la colonisation, les fléaux successifs ravagent les amérindiens de Guyane (Teko, Kalin'na, Lokono, Wayapi, Wanaya, Paykweneh) : missions religieuses, épidémies, orpaillages, commerçants, pollution des mines, pollution mentale, politique, francisation, suicides, école inadaptée...

Dans le coeur des amérindiens, une tristesse profonde cohabite avec le courage et la connaissance.

 
Depuis longtemps, dans les rêves des jeunes "Makan"(Guerriers) de la forêt guyanaise, une voix se fait entendre :

"un grand guerrier légendaire est de retour parmi nous, il vient pour nous mettre en garde, nous prévenir de grands dangers, il va falloir se battre, être fort, pour sauver notre corps et aimer notre terre..."


 
Mythologie amazonienne: héritages et transmissions

La création de l'homme Jaguar est le fruit de voyages succéssifs en Guyane.

Entre immersions, collectages et créations in-situ, Lénaïc Eberlin pose un point de vue d'artiste conteur pour témoigner de la survivance des mythes amazoniens aujourd'hui.

Une démarche d'apprenti auprès des Amérindiens lui donne un autre éclairage sur ce que les anthropologues ont consigné dans les livres. Ainsi, le mythe de l'homme Jaguar se renouvelle avec l'actualité brûlante de ce peuple légendaire en voix de disparition depuis la colonie française en 1604.

Il lui faut réactualiser le mythe pour célébrer les rêves amazoniens.

Ainsi les familles Amérindiennes rassemblées autour du cachiri pourront à nouveau en rire, et de façon inattendue percevoir comment nos cultures se confondent et activent des espaces de résonance et d'invention, qui témoignent de notre désarroi face à nos conditions respectives.


 
1 - Les Noirs-Marrons de Guyane



En 2011, lors de son premier voyage en Guyane sur le fleuve Maroni, Lénaïc Eberlin rencontre les Bushinenges (les Noirs-Marrons), un peuple qui vit dans la forêt amazonienne comme les Amérindiens.

"Parmi les Noirs-Marrons fuyant l'esclavage au Surinam, les Bonis vont se distinguer des autres de ces groupes en refusant un traité de paix avec les puissances coloniales, les amenant à faire la guerre contre celles-ci puis à s'établir dans l'actuelle Guyane Française. La résistance africaine en Amérique fait partie de leur histoire et de leur identité. Aujourd'hui elle souffre de la difficulté des transmissions entre anciennes et nouvelles générations de cette population de Guyane.

Outre la Guyane, le monde Noir ne peut que gagner à apprendre et à réapprendre l'histoire de ce peuple immensément authentique, courageux et admirable."

extraits des paroles de Sandro Capo Chichi

 
2 - Les Teko de Guyane



En 2013, suite à la visite d’une délégation Amérindienne Teko de Camopi dans le village natal de Lénaïc Eberlin, Muttersholtz, un projet de jumelage se tisse entre les deux communes.

Lenaïc Eberlin prends alors conscience des problèmes majeurs dont sont victimes les peuples premiers de Guyane.

2017, un nouveau voyage le long du fleuve Oyapock pose les premiers jalons de ses aventures en Guyane. Au contact des jeunes Teko, il prend la mesure de l'intensité du mythe de l'homme Jaguar qui  se retrouve en morceaux authentiques, éparpillés dans telle danse, tel masque, tel regard, telle façon de cuisiner.

Il se livre aux jeux de la rencontre, des pistes s'ouvrent, autour de la platine à manioc où les Teko cuisent les galettes, où s'échange une parole qui a du coeur, celle qui réanime les héros légendaires, icônes de la dignité et de la résistance Amérindienne. 


 
Histoire et Actualité

La mémoire collective et la tradition orale sont des repères agissants pour ces peuples confrontés à l'orpaillage dévastateur, aux garimperos, à la pollution, aux suicide des jeunes.

Les garimperos sont des chercheurs d'or clandestins.

Il y a un millier de sites illégaux au cœur de la forêt amazonienne.

Déforestation, destruction du sol avec motopompes et concasseurs, utilisation du mercure pour s'agglomérer avec l'or et former des pépites.

Tous ces travaux déversent boue et mercure dans les criques et les cours d'eau et cette pollution infeste les poissons et contamine les populations autochtones, particulièrement les enfants.

S'ajoute aujourd'hui à tout ceci l'orpaillage légal, apparaissent les projets de méga-mines sur les terres sacrées des Amérindiens, la forêt est défigurée par les bassins de rétention des boues infestées de cyanure et dont les digues risqueraient de céder comme cela s'est passé au Brésil en 2015 sur les terres du peuple Krenak.

Les tribus amazoniennes depuis toujours voient la colonisation comme une suite de « bracages » dans une course au gain, ponctuée de pillages, de massacres, de mise en esclavage de tout un peuple.

En Guyane, sur la trentaine de tribus Amérindiennes recensées au début de la colonisation, aujourd'hui il n'en reste que six.

Actuellement, les 6 premières nations Amérindiennes de Guyane sont les Kali'na, les Teko, les Lokono, les Paykweneh, les Wayana, les Wayapi. Ces premières nations se mêlent aux autres populations : les métropolitains, les créoles, les Bushinenges, les hmongs, les migrants (Brésil, Guyana, Surinam, Haïti, Chine, Inde, Syrie, Liban, Afrique de l'Ouest, Pérou).

 
Le Pois(s)on d'or  - photo Léa Magnien -

Il faut se rappeler que les premiers colons avec leur religion avaient pour mission d'aculturer, « de tuer l'Amérindien et de garder l'homme »,de « transformer l'animiste en bon sauvage évangélisé ». Aujourd'hui on parle souvent d'eux comme de chômeurs qui perçoivent le R.S.A. Mais que veut dire « chômage » pour un autochtone ?

Vaincus, sans jamais avoir perdu, relégués au rang de minorité sur leur propre terre, la survivance de leurs mythes représentent une puissance immaterielle qui continue d'opérer spirituellement comme un rempart à tous les outrages.

Pour nombre d'Amérindiens et Amérindiennes, ils et elles sont les petits enfants de grands guerriers farouches qui ont combattu et résisté face à l'envahisseur européen.

Lorsque les Amérindiens en parle à Lénaïc Eberlin, celui ci entends déjà ces récits comme on écoute un mythe ou une grande Saga familiale. Il s'étonne de la qualité de ces histoires, du feu qui brille dans les yeux des grands-mères ou de la grande tragédie qu'elles rapportent comme si c'était hier.

Il constate que ces chefs légendaires en rebellion contre l'opresseur ont rejoint les héros irrévérencieux que l'on retrouve dans leurs mythes fondateurs. Ainsi, les traditions orales ont conservé un état de perception originel, où toutes les valeurs sont intactes et transmises avec l'exigence d'une haute considération.

 
Teko: comme beaucoup de noms des différentes tribus de la planète, Teko veut dire tout simplement "humains" ou "vrais hommes". Plus tard les colons français leur donnent le nom d'Emerillons.

Les Teko sont un peuple constitué de la tribu "Kouchili" et du clan des Singes Hurleurs, comme ils vivaient dans les arbres, ils ont été plus résistants aux maladies apportées par l'envahisseur européen contrairement à ceux qui vivaient au sol.

"Avant que vous arriviez sur nos terres, on vivait dans l'abondance, on avait pas besoin de travailler, c'était la guerre permanente entre les différentes tribus d'Amazonie mais nos peuples de guerriers avaient des valeurs."

C'est précisément cet esprit "Makan" contenu dans les mythes qui fait qu'aujourd'hui les jeunes Amérindiens peuvent retrouver la fierté d'être des Teko-Makan.

"Notre monde est fait de plusieurs mondes et aucun n'est une marchandise. »

Leurs mythes leur transmet un discours ferme, mâtiné de sagesse. 

 
Il y a urgence à redonner des espaces pour que ces mythes et ces pratiques se réactivent chez les autochtones en recherche de référence et surtout d'action.

L'alcoolisme fait ses ravages, il y a aussi la télévision, arrivée chez eux en 1998, ainsi les repères se brouillent, de plus en plus d'extrêmes cohabitent et provoque le chaos :

"pourquoi les blancs savent tout et nous on ne sait rien?...
Avant je partais me coucher après avoir écouté les histoires de mon grand-père et de ma grand-mère. Maintenant c'est la télé qui me raconte des histoires.... » Arawak-Kali'na, village Taluen, Wayana

Dans le passé, face au fer de la servitude, les Amérindiens ont souvent préféré la fuite ou la mort.

Ils avaient la connaissance des plantes et d'une certaine manière, leur honneur était sauvé et ils entraient dans la légende. Aujourd'hui dans le silence et l'indifférence sévit une terrible épidémie de suicides : parents, adolescents, grands-parents se donnent la mort avec une bouteille de désherbant ou une corde...

Pourtant, les mythes amazoniens nous racontent que l'homme à la peau cuivrée n'a pas peur de la mort, comme le Jaguar bondissant, la mort est un jeu. Le peuple d'Amazonie possède le vrai courage.

Pourtant, sans le chaman et ses rituels liés aux étapes de la vie et aux maladies, l'ombre d'un proche qui s'est donné mort, voilà ce qui les fait trembler de peur.

« Même si cela a toujours existé, depuis quelques années, les suicides dans les territoires amérindiens ont beaucoup augmenté. Des associations, des médecins ou des sociologues essaient de faire de la prévention, mais il y en a toujours autant. Peut être notre problème résulte du fait  qu'il n'y a plus de grands chamanes à Camopi. Le dernier est mort quand j'avais 7 ans. A cette époque, il y avait peu de suicides car il nous protégeait des mauvais esprits.." Edward Jean-Baptiste, Anôgog, Wayâpi/Teko

 
« La situation de témoin impose des devoirs »

Au contact de la J.A.G. (la Jeunesse Autochtone de Guyane) et quelques un(e)s de leurs porte-parole comme Amandine Mawalum Nyx Galima (la dernière Ombre), il réalise que malgré tout, les peuples premiers s'organisent, et que leur parole et leurs actes ont l'éloquence et le talent de leurs ancêtres.

Il existe d'autres voix, celles qui montrent le chemin de l'équité, vers une culture oubliée qui pourrait nous aider à rêver et à construire un monde meilleur.





Le photographe Miquel Dewever-Plana publie un livre bouleversant où il nous raconte le paradoxe des amérindiens wayana, wayâpi et teko.
Qu'est ce qui fait que je suis moi? les traits de mon visage, les habits que je porte? ma posture? les traits de mes parents? mon regard? celui des autres?
à 7000 kilomètres de la métropole, sur des terres délaissées de Guyane qui accueillent les exploits de la conquête spatiale européenne et le projet désastreux de la mine d'or qui détruit la forêt, se joue dans un silence assourdissant un drame indigne d'un pays moderne.
Dans la forêt, les adolescents se donnent la mort et ils sont si nombreux que l'on peut parler sans exagération "d'une épidémie de suicide"

Ici, Arawak-Kali'na, village Taluen, Wayana
"pourquoi les blancs savent tout et nous on ne sait rien?...
Avant je partais me coucher après avoir écouté les histoires de mon grand-père et de ma grand-mère. Maintenant c'est la télé qui me raconte des histoires....
Dans 2 ans je vais devoir quitté mon village pour aller en 6ième, ça me rend triste... en plus, on dit que ceux qui habitent dans les villes ne sont pas gentils avec les amérindiens...mais je n'ai pas le choix.."






Il faut lire le livre de Miquel Dewever-Plana ... d'une rive à l'autre....Ici Tania Pinto Tavares.... Wayâpi, commune de Camopi.. " J'ai eu mon premier enfant à 17 ans et je viens d'accoucher du deuxième. Je ne veux pas avoir plus de deux enfants parce que c'est trop fatiguant. J'ai demandé à ma mère de me donner un remède pour ne plus en avoir. Elle sait faire ça avec des plantes qu'elle cueille en forêt, mais elle me dit que je suis trop jeune et qu'un jour je risque de le regretter car le remède est définitif. Ici, contrairement à moi, la plupart des gens souhaitent avoir beaucoup d'enfants. Entre le RSA et la CAF on peut gagner beaucoup d'argent sans travailler. Et beaucoup ne vivent que de ça. La situation des femmes n'a malheureusement pas beaucoup évolué car elles souffrent toujours autant de la brutalité des hommes. Tout au long de sa vie, ma pauvre mère a subi la violence des coups. Elle était toujours tellement couverte de bleus que les gens pensaient qu'elle peignait son corps de génipa ( l'encre qui sert à tatouer) .. à l'époque où elle vivait avec son premier époux, il n'y avait pas de suicides, mais si c'était aujourd'hui ma mère me dit qu'elle se serait déjà pendue. ."


Photo et rapporteur : Miquel Dewever-Plana .............. Edward Jean-Baptiste, Anôgog, Wayâpi/Teko commune de Camopi. " Il était temps que je revienne chez moi, retrouver ma forêt et mon fleuve. Pourtant j'ai bien aimé mes trois années passées sur le littoral... mais je m'y suis perdu. J'y suis allé pour faire un BEP que des profs ont choisi pour moi et qui ne m'intéressait pas. Du coup je manquais beaucoup l'école, et avec mes camarades j'ai commencé à fumer du cannabis et à boire de l'alcool fort. Chaque fois un peu plus. Avec eux, j'ai fait pas mal de bêtises. Quand je suis rentré au village, sans diplôme, j'étais vraiment dans un sale état. Au bourg j'ai eu la chance de faire une formation  d'animation et de prévention contre l'alcool, la drogue, mais aussi le suicide. J'avoue que cela  m'a permis de me sortir aussi de mes propres addictions. Je pense que cette formation m'a sauvé. Maintenant je travaille avec une association  pour faire de la prévention dans mon village. Même si cela a toujours existé, depuis quelques années, les suicides dans les territoires amérindiens ont beaucoup augmenté. Des associations, des médecins ou des sociologues essaient de faire de la prévention, mais il y en a toujours autant. Peut être notre problème résulte du fait  qu'il n'y a plus de grands chamanes à Camopi. Le dernier est mort quand j'avais 7 ans. A cette époque, il y avait peu de suicides car il nous protégeait des mauvais esprits.."





Amandine Mawalum Galima, le 18/06/2018 à Saint-Laurent du Maroni
< auditions finales débat public Montagne d’Or >
« Mesdames et messieurs,
je suis venue à vous en tant que porte parole du mouvement Jeunesse Autochtone de Guyane.
Voilà plus d'un an qu'avec mes sœurs et frères nous luttons pour mettre fin à cette absurdité qu'est le projet nommé « Montagne d'or ».
Nous avons tenté de faire valoir nos droits et notre parole, et au vu des tournures actuelles, nous avons réussi !
A plusieurs reprises, les autorités coutumières, qui sont les garants de nos communautés, se sont positionnées contre. Nous avons tenté d'expliquer nos craintes et nos réticences à la Montagne d'Or, qui dans le plus grand mépris a refusé le dialogue, en déshonorant un rdv à la demande des autorités coutumières. Cela car nous avons refusé la présence d'hommes armés : nous nous sommes engagés à assurer leur protection. Et malgré cela, ils ont rompu le dialogue. Pour nous, il est important qu'un dialogue, aussi compliqué qu'il soit, se fasse sans la présence d'arme.
Autour du site de la Montagne d'or existent 15 montagnes couronnées, des sites sacrés, des vestiges de nos ancêtres, de notre passé, de notre histoire. Comprenez que nous ne pouvons tolérer qu'un tel sacrilège soit fait sur notre territoire.
Pour le respect de notre passé et de notre avenir, nous promettons d'être toujours sur le chemin de la Montagne d'or. Nous sommes les héritiers d'un passé lourd, de blessures douleureuses, mais nous relevons la tête en ce jour !
Oui ! En ce jour les Peuples Premiers sont debout, nous relevons la tête aux cotés de toute la Guyane. Oui ! En ce jour nous souhaitons apporter un message d'espoir, nous ne sommes pas obligés de détruire, nous pouvons faire autrement, il suffit de le vouloir, il suffit d'oser !
En ce jour nous osons mettre au défi, à travers la Montagne d'Or, ce monde dirigé et animé par l'avidité de richesses et de pouvoir, ce monde déserté de respect et d'honneur.. Dans la lignée de nos ancêtres, nous nous battrons contre ceux qui traversent les océans pour ne mener que désespoir et destruction.
Mon message est rempli d'émotions et de sentiments car mon cœur est relié à cette terre, cette terre qui souffre des maladies que vous apportez. Les chants de mes ancêtres résonnent à travers nos âmes et le son des tambours nous murmure qu'il ne faut rien lâcher.
Oui, je n'évoque pas les chiffres, car le monde n'est pas composé de chiffres, mais de différentes formes de vie, qui dépendent les unes des autres. Il n'y a pas que ce vous voyez avec vos yeux, respectez le monde visible et invisible.
Je suis jeune, et je vous annonce que ce n'est pas de cet avenir que la jeunesse guyanaise a besoin. Il existe d'autres voix.
Je suis une femme, je porterai la vie en moi et je donnerai des enfants à cette terre, dans un monde où vous n'existez pas !
Je ne perdrai pas plus de temps avec vous, je m'en vais rejoindre la Guyane qui m'attend dehors, cette Guyane qui vous montre son opposition, je m'en vais rejoindre cette petite dizaine de personne qui disent en ce jour haut et fort NON A LA MONTAGNE D'OR !
Mesdames et messieurs, c'est bien que vous soyez de passage, vous nous avez fait comprendre ce que nous ne voulons pas !
Je vous souhaite de trouver le chemin du retour, sondez le fond de vôtre âme, cherchez-y une once d'humanité et guerrissez vos esprits.
Je m'appelle Mawalum, qui veut dire la dernière ombre, je suis l'esprit qui réside dans les racines des arbres et je vous mets au défi d'essayer de nuire à mon pays !
Merci. »



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